Le monde du sport prend la parole sur le génocide en cours à Gaza

Vendredi soir, une tribune appelant les instances et institutions sportives à prendre des mesures fortes, équitables et rapides pour mettre fin au massacre à Gaza a été publiée dans Le Nouvel Obs. Nous vous republions en intégralité cette tribune pour laquelle nous sommes évidemment signataires

Vent Debout
4 min ⋅ 28/09/2025

Le monde du sport prend la parole sur le génocide en cours à Gaza

Alors que les mots manquent pour décrire ce qui se passe actuellement à Gaza, le silence dans le monde du sport n’est pas seulement insoutenable, il est également injuste.

Le 8 mai 2024, le Comité Olympique Palestinien demandait l’exclusion d’Israël des compétitions Olympiques des Jeux de Paris 2024, au même titre que la Russie. La réponse apportée par le Comité International Olympique (CIO) fut sans appel : « il n'est pas question d'envisager des sanctions ». De même, le 22 mai 2024, le président du Comité International Paralympique (IPC) déclarait qu’il n’y avait « pas de raisons de sanctionner Israël ». Pourtant, Gaza était bombardée depuis 152 jours, et l’Agence de l’ONU pour les Réfugiés Palestinien (UNRWA) indiquait déjà que plus d’enfants avaient été tués dans la bande de Gaza en quatre mois de guerre avec Israël, qu’en quatre ans de conflits à travers le monde. Cette décision contraste avec celle de 2023 : l’IPC avait imposé aux athlètes russes et biélorusses de concourir sous bannière neutre, s’alignant sur la position du CIO. Le 28 février 2022 la commission exécutive du CIO avait même recommandé de bannir les athlètes russes et les biélorusses des compétitions sportives, 4 jours après l’invasion russe en Ukraine.

Cette différence de traitement va jusqu’à la répression de celles et ceux qui la dénoncent. A titre d’exemple, Amine Messal s’est introduit dans le périmètre de sécurité du Tour de France, 3ème compétition la plus regardée au monde, pour courir quelques mètres en portant un tee-shirt à l’inscription “Israël out of the tour”. Car la présence de l'équipe Israël Premier Tech - dont le principal financeur, Sylvan Adams, soutient publiquement la colonisation israélienne - est difficilement compréhensible et acceptable puisqu'en 2022, la Fédération Internationale de Cyclisme (UCI) avait immédiatement prononcé l'exclusion des équipes russes et Gazprom/Rusvelo, suivant la recommandation du CIO. Pour 13 secondes de course pacifique, Amine Messal a été frappé au visage, menotté, envoyé en garde à vue et risque désormais 2 ans d'emprisonnement et 20.000€ d’amende. Son cas n’est pas isolé et s'inscrit dans une atmosphère de silenciation et de criminalisation de toutes les personnes s’exprimant au sujet de la situation dramatique à Gaza. Cela illustre de toute l’incohérence du CIO, de l’IPC, des Fédérations sportives, et des organisateurs d’évènements sportifs, qui préfèrent répondre par la répression plutôt que de réagir aux appels qui leurs sont lancés.

La position des organisations sportives est d’autant plus regrettable qu’elle est en contradiction totale avec la charte olympique du CIO, qui déclare l’Olympisme comme principe fondamental visant « la responsabilité sociale et le respect des droits humains reconnus au plan international et des principes éthiques fondamentaux universels » (principe 1). Dans cette même charte, le CIO déclare avoir pour mission « de coopérer avec les organisations et les autorités publiques ou privées compétentes aux fins de mettre le sport au service de l’humanité et de promouvoir ainsi la paix » (article 4). De même, le code d’éthique du Comité International Paralympique requiert dans son préambule « l’acceptation des valeurs fondamentales que sont l'honnêteté, les droits de l'homme, l'équité, la justice, la non-discrimination et l'intégrité personnelle ».

Face à cette situation, nous, sportifs et sportives de haut niveau, acteurs du monde du sport, appelons toutes les institutions et structures sportives, des clubs, fédérations et comités nationaux, organisateurs d'événements comme le Tour de France, en passant par les ministères des sports, jusqu’aux CIO et IPC, à sortir du silence et de l’inaction qui enferment le monde du sport dans un double standard d’une indignité injustifiable. La simplicité de notre position tient en une phrase : ce qui n’est pas accepté pour la Russie, ne peut pas l’être pour Israël, ni pour toute autre nation portant atteinte à la dignité humaine.

En 1975, le président du CIO déclarait « Nul doute que les compétitions sportives, et en particulier les Jeux Olympiques, reflètent la réalité du monde et constituent un microcosme des relations internationales ». Lieu de revendication pour les droits civiques américains en 1968, espace pénétré illégalement par celles qui se sont arrogé le droit d’être marathoniennes comme les hommes en 1967, endroit d’un activisme paralympique contre l’apartheid en Afrique du Sud dans les années 70, les compétitions sportives regorgent historiquement d’exemples de désobéissance civile parfois durement réprimés hier, et applaudis sans retenue aujourd’hui. Ces actions font écho aux nombreuses voix qui s’élèvent dans le monde du sport, comme Lewis Hamilton (pilote de formule 1 britannique), Coco Gauff (tenniswoman américaine), Ons Jabeur (tenniswoman tunisienne), Mohamed Salah (footballeur égyptien), ou encore Anissa Meksen (boxeuse française).

La situation à Gaza est effroyable, plus de 50.000 enfants ont été tués ou blessés et aujourd’hui c’est plus de 71.000 risquent de mourir de malnutrition aiguë (UNICEF). Alors que 1400 gazaouis ont été tuées pour s’être rendues à une distribution alimentaire, que des employés de l'ONU s'évanouissent de faim à Gaza (ONU), et qu’une commission d’enquête de l’ONU accuse Israël « d’actes génocidaires », plus rien ne justifie l’inaction et le silence. Apportant notre soutien total à Amine Messal ainsi qu’à toutes les personnes s'exprimant pacifiquement en faveur de mises en place d’actions politiques, économiques et humanitaires concrètes de leur pays, nous unissons nos voix pour exiger de nos instances et institutions sportives de prendre des mesures fortes, équitables, et rapides pour arrêter le massacre et faire respecter l'esprit des chartes Olympiques et Paralympiques que nous incarnons.

Parmi les athlètes signataires

Abigael Dembe, Alexandre Émilie, Alexandre Klein, Anne Tran, Anne-Flore Marxer, Antoine Baduel, Arnaud Assoumani, Arthur Le Vaillant, Arthur Longo, Baky Meïté, Belhadi Saliha, Benyoub Anissa, Camille Rigaud, Caroline Ciavaldini, Celine Iddir, Claire Lonchampt, Claire Palou, Coline Ballet-Baz, Constance Dos Reis, Dounia Abdourahim, Élisabeth Gerritzen, Éline Le Menestrel, Éric Cantona, Emre Sanal, Emma Oudiou, Félix Dopchie, Feroudja Iddir, Flora Artzner, Florian Delcoigne, Gabriella Papadakis, Gaetan Gaudissard, Gautier Guevel, Gilles Cervara, Hillary Gerardi, Hugo Hay, Ilias Arifi, Jérémy Prevost, Jeanne Lehair, Jimy Berçon, Julian Schütter, Leah Dawson, Lesley McKenna, Liam Tourki, Lili Sebesi, Lily Bradley, Loic Korval, Lucas Langlois, Lucie Watillon, Marcos Cordeiro, Marie Patouillet, Marion Haerty, Martin Thomas, Mathéo Gabon, Mathurin Madoré, Moussa Remmache, Nikolai Schirmer, Noé Briet, Noemie Equy, Oscar Dopchie, Pablo Recourt, Pape Ndiaye, Paul Veron, Philippe Bobin, Rachid Ait Taleb, Robinson Le Meur, Sabrina Zazaï-Özil, Salif Sané, Sarah Fraincart, Sarah Harachi, Sébastien Berthe, Simon Gosselin, Simone Thiero, Sofiane Milous, Soline Kentzel, Sophie Berthe, Stan Thuret, Stéphane Passeron, Sylvie Éberena, Tess Rougemont, Tiphanie Perrotin, Valentin Gilbert, Valentin Sasnonetti, Victor Galuchot, Victor Rimbourg, Vincent Bouillard, Vasu Sojitra, Xavier Cailhol, Xavier Thévenard, Yann Laforge, Yassine Mohammed, Yohann Diniz, Younès Nezar, Zaraa Brahim, Zoé Roffi

Mais aussi

Adil El Ouadehe (Ufolep), Antonio Fondeca et Céline Machado (FSGT), Lily Rogier (Anestaps), Alexandre Giraud (Club Athlétique de Montreuil 93), Clothilde Sauvages (Vent Debout), Mael Besson (Agence 1.5), Pierre-Gaël Pasquiou (Vertige Media), Guillaume Dietsch (agrégé d’EPS, enseignant en STAPS), Haïfa Tlili, (sociologue du sport), Seghir Lazri (sociologue du sport), Annabelle Caprais (sociologue du sport), Antoine Devrièse-Sence (doctorant en sciences du sport), Baptiste Carton (professeur d’EPS, co-secretaire du SNEP-FSU 93), Jonathan Alves (professeur d'EPS, co-secrétaire SNEP-FSU 93), Maeva Miché (professeure d’EPS), Victor Rimbourg (professeur d’EPS), Sylvaine Duboz (professeur d’EPS retraitée).

Vent Debout

Vent Debout

Par Clothilde Sauvages

Vent Debout, c’est Clothilde Sauvages et Sylvain Paley. Nous sommes deux sportifs ayant pratiqué la compétition sur les circuits nationaux et internationaux. Tumbling, wakeboard et ski alpin. Mais dans le civil, nous avons d’autres casquettes : Clothilde est entrepreneuse indépendante, journaliste et alumni du collectif Ouishare. Elle passe une grande partie de son temps à monter des projets de société. Sylvain est réalisateur de production audiovisuelle et co-fondateur de Société Nouvelle, un collectif d’indépendants au service de l’intérêt général. Ensemble, nous nous sommes réveillés un matin en se disant qu’il serait intéressant que l’on tente de réunir ces deux facettes de nos vies.

Car dans le « tout est politique » que nous fréquentons au quotidien, le sport fait toujours exception. Pas assez sérieux ou pas assez intello ? On invite rarement les athlètes pour leur demander leur avis sur la réforme des retraites, les violences policières ou le dérèglement climatique.
Et pourtant ils et elles ont des choses à dire. C’est pour les entendre qu’est né Vent Debout.

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