Votre newsletter du mois de février
Eh bien, pas nous ! On doit le reconnaître, on ne s’attendait pas à ce que Martin Fourcade renonce à la présidence du comité d'organisation des JO d'hiver de 2030. Même si on savait que ça tergiversait, on pensait que le « Tony Estanguet des Montagnes » aussi « prince des selfies » (comme ici, ici, ou ici) ne résisterait pas à la tentation. Ses prises de position à Pékin en 2022 avaient laissé des traces. Comme quoi, il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Et nous on remballe notre venin car oui, on s’est trompé. Martin, un grand merci de ne pas avoir sacrifié tes convictions sur l’autel du capitalisme sportif.
Difficile en effet, de ne pas relever les nombreuses contradictions entre la vision que souhaitait porter Martin et celle qu’incarne le tandem politique Muselier-Wauquiez à la tête de la candidature française. Une vision qui, au passage, vient d’être décortiquée dans le dernier livre de Guillaume Desmurs intitulé Le crépuscule des Jeux, enquête sur les JO d’hiver 2030 (éditions Guérin), et qui pourrait se résumer ainsi : une vaste farce politique !
Déjà remplacé par Edgar Grospiron, aka l’ex- « petit branleur » des pistes, on espère que ce dernier fera mieux que sur son précédent dossier (Annecy 2018), qualifié de fiasco par beaucoup alors qu’il en était le directeur général du comité de candidature.
Allez hop, on sort les pop-corn.
Merci de nous lire,
Clothilde et Sylvain
5 Questions à…, où la rencontre d’un·e sportif·ve en carrière ou retraité·e, qui comme nous, pense qu’un autre sport est possible.
Ayodele est une athlète spécialiste du 100m et du relais 4x100m. De retour dans le top 20 français après six ans d'absence et deux grossesses, elle s’investit en politique pour secouer les instances sportives sur le sujet de l’endogamie sociale. Coprésidente du comité des sportifs de l'Agence française de lutte contre le dopage et instigatrice des commissions d'athlètes dans les fédérations délégataires, cette adjointe au maire chargée de la santé dans le 18e arrondissement de Paris n’a pas dit son dernier mot dans le monde du sport.
J’imagine une pratique sportive ludique, un peu à l'ancienne, dans un club qui cultiverait les liens intergénérationnels et la solidarité. Les gens se prêteraient du matériel pour éviter la surconsommation. On pratiquerait dans un environnement sain, plutôt que sur des terrains pollués qui empoisonnent, comme actuellement en Seine-Saint-Denis… Et ce serait également une pratique qui prendrait en compte les aspects sociaux, afin d'éviter les discours moralisateurs souvent déconnectés des réalités des classes populaires. Car vraiment, ceux-là, je n’en peux plus !
Au début, c’était pour dénoncer les injustices qui persistent dans le sport, en partie dues à l’endogamie sociale qui caractérise les sphères de pouvoir sportif. J’éprouvais de la frustration en entendant ces dirigeants, au profil quasi similaire, parler à la place des athlètes, alors qu’ils ne vivent pas notre réalité. La plupart d’entre eux viennent de milieux favorisés et ont fait des études, alors que sur le terrain, le brassage social est beaucoup plus important. J’avais le sentiment que c’était en partie à cause de cette endogamie sociale que des sujets comme la précarité des athlètes, les difficultés de reconversion, etc., n’étaient pas réellement abordés. En effet, hormis lorsqu’il s’agit de faire un buzz médiatique, nos voix sont rarement prises en compte.
Ensuite, j’ai également réalisé que nous, les athlètes, ne connaissions pas vraiment les fédérations et les instances sportives, alors que c’est là-bas que les décisions sont prises et qu’il est important de s’y confronter si l’on souhaite changer des choses. C’est pour cela que j’ai insisté pour que des commissions d'athlètes soient créées au sein des fédérations délégataires. Car cela permet d’avoir des athlètes formé·e·s qui peuvent faire remonter des sujets et qui transforment leur poids médiatique en poids politique.
J’aimerais un renouveau complet de la gouvernance de la fédération, avec une équipe plus intergénérationnelle (c'est-à-dire, plus jeune) et composée de personnes prêtes à défendre les droits des athlètes. Car, c’est mon second souhait, j’aimerais également que les athlètes ne soient plus en situation de précarité et qu’iels bénéficient, comme dans certains sports professionnels, d’un statut ou d’un contrat de travail, afin de pouvoir prétendre à une couverture sociale et à certains droits. Je le répète souvent, mais derrière les quelques sportifs qui réussissent très bien, il y a beaucoup de gens qui galèrent et qui auraient besoin d’être mieux défendus.
Parce qu'il s'agit d'une vitrine qui touche un large public. C’est l’un des rares lieux où il est encore possible de rassembler des personnes aux sensibilités politiques différentes. Et comme c’est également un objet médiatique, les politicien·nes accourent pour prendre la pose à nos côtés… La question que je me pose c’est : comment faire pour que cette instrumentalisation du sport et des sportif·ves nous soit également bénéfique, à nous athlètes ? Mais de manière collective, pas individuelle !
J'ai récemment vu le film Shirley (2024), qui raconte l’histoire de Shirley Chisholm, la première femme afro-américaine à avoir été élue au Congrès des États-Unis. Ce film m’a beaucoup touchée, car cette femme a mené un combat acharné, et je crois beaucoup en l’exemplarité et en la capacité à susciter des vocations. C'est le genre de film qui permet d’ouvrir des voies et de se dire que c’est possible.
On profite du barouf créé par le Sommet de l’IA 2025 qui s’est tenu les 10 et 11 février derniers à Paris, pour vous parler du sujet de l’intelligence artificielle. Oui, car malheureusement l’IA n’est pas un sujet étranger au sport, bien au contraire. Pour rappel, c’est la loi relative aux JOP du 19 mai 2023 qui a légalisé pour la première fois l’utilisation de l’intelligence artificielle en temps réel pour la vidéosurveillance de grands événements, à titre expérimental de mai 2023 à mars 2025. Une expérimentation que certains aimeraient généraliser, alors que les premiers constats du rapport d’évaluation soulèvent de nombreux risques. Heureusement pour nous, le collectif Nos Services Publics revient en détail sur ces dangers dans un billet de blog très complet publié sur Médiapart. C’est à découvrir ici : « Intelligence artificielle et vidéosurveillance : les jeux sont-ils faits ? ».
Sinon, ça n’a rien à voir avec le sport, mais si les sujets tech et IA vous intéressent, vous pouvez suivre la newsletter des copains, Tech Trash. C’est un régal.
L'oeuvre de Joanie Lermercier et des membres d'ATR projeté sur le Grand Palais dans la nuit du 27 janvier 2025
Connaissez-vous le vrai coût des Kalenji Run 100, les chaussures au prix imbattable de Décathlon dont l’ambition n’est rien d’autre que de « rendre le sport accessible à tous » ?
La réponse vous est donnée par le média d’investigation Disclose qui a enquêté sur les pratiques de la marque française au Bangladesh, et qui, surprise, sont dignes des pires scénarios d’esclavage moderne. On y apprend que pour cette paire de chaussures vendue 13€ en magasin, l’entreprise est prête à tout y compris à sélectionner les sous-traitants qui paient les salaires les plus faibles, font appel à des usines clandestines et font travailler des adolescent·es… Il a bon dos le sport pour tous.
L’ARCOM (le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique) lance l’opération « Sport Féminin Toujours » suite aux résultats de l'étude sur la place des femmes dans les médias durant les JOP de Paris 2024. En effet, on y apprend que le volume horaire de retransmission des épreuves de sport féminin était de 37 %, contre 56 % pour le sport masculin. Et que le temps de parole des commentatrices était en moyenne de 18 %. Des chiffres qui révèlent à quel point les médias traditionnels ont encore un loooooong chemin à parcourir pour s’approcher de la parité.
Toujours au sujet des discriminations : Amnesty International France, l’Anestaps et Basket Pour Toutes s’associent pour dénoncer la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, jugée contraire au droit international et aux valeurs de libertés, d’inclusion et d’égalité que prône le sport. Leur tribune, « Les sportives qui portent le voile ont le droit de jouer, comme les autres ! », permet de comprendre ce qui va se jouer ce mardi 18 février, à l’occasion d’une séance plénière au Sénat. Une proposition de loi également dénoncée par Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité et cofondateur de la Vigie de la laïcité, qui signe un papier dans le journal La Croix dans lequel il écrit : « Dans un État de droit, on n’interdit pas tout ce qui peut déplaire individuellement, même si l’on peut en débattre sur le terrain des idées, avec les concerné(e) s. Dans un État de droit, on interdit uniquement de manière générale ce qui trouble l’ordre public ». Vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas !
Enfin, on termine avec au moins une chose positive : l’association Wild Legal lance sa première formation de grande ampleur pour faire gagner les droits de la Nature. Alors, si vous aussi vous souhaitez rejoindre le mouvement n’hésitez pas à les soutenir.
C’est tout pour ce mois de février
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