¡Viva la democracia!

Votre infolettre du mois de juin avec au programme : un malaise démocratique, un tennisman critique, des athlètes qui s'engagent pour la science et beaucoup de mercis <3

Vent Debout
6 min ⋅ 28/06/2025

¡Viva la democracia!

C’est LA grande victoire de ce mois de juin : Amélie Oudéa-Castéra, alias AOC (pas celle-ci), a été élue présidente du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Champagneeeeee !!!!!

Une élection au suspense intenable depuis le retrait de la course de Didier Séminet, seul opposant en lice, quelques jours avant le vote… Résultat : KO anticipé. Avec 100% des voix exprimées, celle qui a été notre ministre de l’Éducation préférée, devient donc la 7e présidente du CNOSF avec un score à faire rougir Kim Jong-un.

Quoi ? les dés étaient truqués ?
C’est en tout cas le soupçon soulevé quelques semaines avant le scrutin par le président d'honneur du CNOSF, Denis Masséglia, qui s’étonnait, (à raison ?), qu’à peine sept mois après avoir quitté le ministère des Sports - où elle donnait des directives aux fédérations - AOC puisse se porter candidate à une élection sollicitant le soutien de ces mêmes fédérations, qu’elle aurait pour certaines accompagnées dans leur changement de gouvernance… hmmmm.

Conflits d’intérêts ou non, cette situation fait ressurgir le malaise chronique qui nous habite dès qu’une élection se joue dans le sport français : celui d’un entre-soi verrouillé, où la démocratie sert davantage à décorer les murs qu’à représenter les acteur·ices. La preuve : alors qu’on invoque à tour de bras la capacité du sport à représenter la France « dans toute sa diversité », il faut jouer à Où est Charlie pour trouver les femmes et les personnes racisées sur la photo de famille du nouveau conseil d’administration du CNOSF.

Alors avec cette petite phrase d’AOC lors de son grand oral : “je n’ai jamais cherché à politiser le sport”, il ne nous en fallait pas plus ! Venant d’une ancienne ministre des sports, c’est quand même le summum du foutage de tronche.

Et comme si un scandale ne suffisait pas, Le Canard enchaîné a révélé que notre nouvelle reine du sport aurait posé comme condition à sa candidature une rémunération d’environ 9 000 euros bruts mensuels. Un joli pactole à l’heure ou le mouvement sportif est au régime sec. Même si, sur ce coup-là, on est assez d’accord avec Alexandre Jaafari qui nous explique très bien dans cette vidéo, pourquoi il ne faut pas (trop) s’en offusquer.

Allez, pour une révolution démocratique dans le sport on repassera, maintenant place aux bonnes nouvelles

Merci de nous lire,
Clothilde et Sylvain

5 questions à…

5 Questions à…, ou la rencontre d’un·e sportif·ve en carrière ou retraité·e, qui comme nous, pense qu’un autre sport est possible.

Valentin Sansonetti,
Transformer le sport en service public

Ancien joueur de tennis de haut niveau, éducateur, coach et diplômé en sciences sociales, Valentin Sansonetti mène des réflexions sur le sport à partir de son expérience de terrain. En 2025, il publie La loi du plus sport chez JC Lattès. Un essai dont on vous a déjà parlé sur Vent Debout, dans lequel il démonte les ressorts du modèle sportif fédéral français, qu’il décrit comme un système bourgeois générateur de violences.

C’est quoi ta vision d’une pratique sportive stylée ?

Par « stylée », j’entends deux choses. D’abord, quelque chose d’enthousiasmant. J’imagine une pratique avec un rapport au corps assez chouette, où l'on se surprendrait à faire des choses qu'on n'arrivait pas à faire avant. Et puis j’imagine une pratique qui serait politiquement juste : une activité qui interrogerait les rapports de domination présents dans la société et tenterait de s’en libérer, voire de les renverser grâce au sport. Ce serait un sport qui accueille tout le monde, quels que soient les corps, les expériences sportives ou les moyens financiers.

C’est un modèle assez éloigné du tennis finalement, car ce sport coûte cher, entre le matériel et les cotisations, et il y a peu d'infrastructures en libre accès dans les communes. J’ai par ailleurs le sentiment qu’on y retrouve souvent deux profils : les animateur·ices qui initient les enfants au sport de façon ludique et les entraîneur·es-expert·es, qui se concentrent sur la technicité pour faire progresser les pratiquant·es et les emmener en compétition. Mais je croise peu d’éducateur·ices au sens noble du terme. Des personnes qui prennent en compte les dynamiques de pouvoir, entre adultes et enfants par exemple, et qui travaillent à créer un vrai espace d’accueil. Mais bon, cela s’explique puisque nous ne sommes pas formé·es à cela…

Quel est ton souhait pour l’avenir du tennis ?

J’aimerais que la pratique en club devienne réellement accessible à toutes et à tous, sur le plan financier comme sur le plan social. Ce qui, j’en parle dans mon livre, supposerait de repenser entièrement notre système fédéral et de considérer le sport comme un service public à part entière. Et puis, je souhaiterais aussi que le tennis sorte de la logique du haut niveau, qui est excluante et génère des violences physiques et psychologiques chez les jeunes. Et je ne parle même pas de l’impact écologique du circuit international, financé en grande partie par des multinationales qui détruisent la planète…

Pourquoi le sport est politique ?

Parce que tout est politique… C'est un peu bateau comme réponse, mais c'est réel. Le sport ne fait pas exception, il n’échappe pas à ce qui se joue dans la société. Au contraire, la sociologue Christine Mennesson parle même d’un « miroir grossissant » de la société, car il exacerbe les violences qui y règnent. Ce mythe d'un sport apolitique, que vous essayez de déconstruire fréquemment dans Vent Debout, est tenace. Il est lié au modèle sportif bourgeois qui s’est imposé en France dans la seconde moitié du XXe siècle, et qui nous fait croire que le sport est une entité à part du reste de la société. Il y aurait une sorte de bulle au-dessus des épreuves sportives et celles-ci seraient intrinsèquement vertueuses... Un discours qui empêche toute critique réelle du sport dans sa forme actuelle.

« J’imagine une activité qui interrogerait les rapports de domination présents dans la société et tenterait de s’en libérer, voire de les renverser grâce au sport. »

Qu'est-ce qui t'a donné envie de lier ta pratique sportive à une approche critique ?

Je pense que c'est lié à ma politisation. En 2020, alors que je venais de terminer mes études de sociologie, ma carrière tennistique s'est arrêtée brutalement à cause du COVID et du confinement. Cette pause m’a incité à faire le lien entre mon vécu sportif et les outils critiques que j’avais acquis. Car moi aussi, finalement j'étais un peu tombé dans le mythe de l’apolitisme du sport. Je ne remettais pas du tout en question ma pratique quotidienne. J'ai donc commencé par créer une conférence gesticulée, puis j'ai poursuivi avec l’écriture.

Peux-tu nous parler de ton livre La loi du plus sport ?

Dans ce livre, j'essaie de montrer en quoi le modèle sportif fédéral actuel est problématique, car il est non seulement élitiste, mais aussi dépolitisant. C’est un livre que j’ai écrit à partir de mon expérience personnelle dans le tennis. J’y partage des anecdotes sur mon parcours sportif et sur mon expérience de coach, ainsi que des contradictions et questionnements qui m’animent toujours.

Pour moi, l’objectif était de proposer des pistes concrètes, car trop souvent, à gauche, on reste fébrile dès qu’il s'agit d’imaginer des alternatives. J’ai donc tenté d’aller au-delà de la « simple » critique en transposant notamment à la question du sport les idées d’auteurs comme Bernard Friot ou Frédéric Lordon. J’imagine par exemple comment appliquer l’idée d’un salaire à vie pour les athlètes et les 3,5 millions de bénévoles qui travaillent gratuitement dans les clubs. Ou encore, comment introduire l’autogestion et la démocratie dans les structures sportives ? Des mesures qui pourraient voir le jour si - je le répète - on considérait le sport comme un véritable service public.

Dans les coulisses de la saison 2

On a profité de notre invitation au festival La Claque Podcast Party pour rendre visite à Nolwen Berthier dans le Lubéron et tourner une partie d’épisode qui sera disponible dans la saison 2. Ensemble, nous parlons cailloux, réincarnation animalière et protection du vivant. Ça promet !!!

Zoom sur Athletes for science

À l’occasion de la Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC) qui s’est tenue à Nice du 9 au 13 juin dernier, des athlètes professionnels ont lancé l’initiative « Athletes for Science » à l’initiative de Flora Artzner. Un programme de collaboration entre scientifiques et athlètes pour œuvrer ensemble autour des grands enjeux environnementaux.

Un lancement qu’on salue et qu’on soutient grandement à l’heure où la parole scientifique est souvent dévoyée. Alors si vous aussi souhaitez rejoindre le programme, le soutenir ou simplement en savoir plus, on vous donne rdv sur la hotline du projet : athletesforscience@gmail.com

En vrac

Le festival Les Résistantes revient cette année du 7 au 10 août dans l’Orne, avec au programme, une table ronde essentielle sur laquelle le sociologue et journaliste Seghir Lazri interviendra : « Lutter contre l’extrême droite via et dans le sport ? ». Pour prendre votre place, c’est ici.

Vous vous rappelez du Revers de la médaille et de Paul Alauzy, le porte-parole de cette alliance qu’on a interrogé en janvier dernier ? Le collectif vient de sortir un court film documentaire pour raconter en 30 minutes les enjeux de leur mobilisation et les actions conduites. C’est disponible ici et ça s’intitule : Jeux Olympique de Paris : combattre le nettoyage social.

Et comme cette newsletter parle de démocratie, on en profite pour souligner le travail des copains de Protect Our Winters (POW), qui à force d’attendre qu’une consultation soit menée pour solliciter l’avis des citoyen·nes sur le projet des JOP Alpes 2030, ont lancé leur propre Convention Citoyenne Olympique (CCO). Youpi !

Et enfin, mille mercis

À nos premiers donateur·ices : Hugo B, Yves R, Nathalie G, Lucie F, Pierre-Marie G, Franck L, Anne L, Olivier M et Hugo B <3

Ainsi qu’aux personnes qui ont récemment mis en avant notre travail : le trailer Vincent Bouillard à qui on souhaite une très belle course ; Pierre Chevelle du podcast Soif de Sens qui a invité Clothilde pour parler de sport et d’écologie dans deux épisodes ; l’équipe de Kessel qui nous a dédié un super édito ; et Le Petit Journal Munich qui s’est intéressé à Vent Debout et à sa genèse.

C’est tout pour ce mois de juin

À bientôt et n'hésitez pas à partager cette infolettre à vos ami·es & à nous laisser des commentaires en répondant directement à cet e-mail, on lit tout !

Vent Debout

Vent Debout

Par Clothilde Sauvages

Vent Debout, c’est Clothilde Sauvages et Sylvain Paley. Nous sommes deux sportifs ayant pratiqué la compétition sur les circuits nationaux et internationaux. Tumbling, wakeboard et ski alpin. Mais dans le civil, nous avons d’autres casquettes : Clothilde est entrepreneuse indépendante, journaliste et alumni du collectif Ouishare. Elle passe une grande partie de son temps à monter des projets de société. Sylvain est réalisateur de production audiovisuelle et co-fondateur de Société Nouvelle, un collectif d’indépendants au service de l’intérêt général. Ensemble, nous nous sommes réveillés un matin en se disant qu’il serait intéressant que l’on tente de réunir ces deux facettes de nos vies.

Car dans le « tout est politique » que nous fréquentons au quotidien, le sport fait toujours exception. Pas assez sérieux ou pas assez intello ? On invite rarement les athlètes pour leur demander leur avis sur la réforme des retraites, les violences policières ou le dérèglement climatique.
Et pourtant ils et elles ont des choses à dire. C’est pour les entendre qu’est né Vent Debout.

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