Votre infolettre du mois de novembre avec au programme : une mobilisation associative, la rencontre avec un snowboardeur qui bouscule les codes, deux dingueries et beaucoup de merci.
Cher·es lecteur·ices,
Le mouvement associatif, cherche à faire émerger une politique de la vie associative afin de construire une société plus juste et durable. Il a notamment été à l’initiative de la mobilisation #ÇaNeTientPlus, le 11 octobre dernier.
Le mouvement tire la sonnette d’alarme, et à raison. Leur dernier communiqué révèle qu’en 2024, les associations ont perdu 2,2 milliards d’euros, et qu’avec le projet de loi de finances pour 2026, elles pourraient perdre 1 milliard d’euros supplémentaire. Des prédictions loin d'être enthousiasmantes, compte tenu de l'asphyxie déjà subie par le secteur associatif français, qui fait face à une hausse de ses frais liée à l'inflation et à des besoins croissants, tandis que les inégalités continuent de s'accroître. Pour rappel, le secteur associatif en France, ce sont 20 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés qui pallient souvent les défaillances de l’État et/ou mènent des missions de service public.
Croire que le sport sera épargné est une douce utopie. On l’a déjà rappelé ici, mais une diminution de 40 millions d'euros est annoncée pour ce secteur : le Pass Sport pour les 6-13 ans est menacé, tout comme le dispositif des deux heures de sport supplémentaires au collège.
Dans ce marasme, on salue d’autant plus le lancement du Fonds pour la démocratie, dont l’objectif est de mobiliser la philanthropie pour redonner un peu d’air à la vie démocratique et associative. On a envie d'y croire, mais faudrait-il encore que les initiatives sportives soient enfin perçues comme utiles aux problématiques sociales et à cette « vitalité démocratique », au-delà de ses propres cercles. Et peut-être aussi que le mouvement sportif se solidarise avec ces démarches, au-delà des fédérations multisports habituelles, en affirmant (enfin) leur caractère politique.
D’ailleurs, il semblerait que nous ne soyons pas les seuls à penser ça, puisque Yohan Penel, ex-président de la Fédération française de badminton et administrateur du Mouvement associatif, nous a laissé le message suivant : « En tant que première composante de ce tissu associatif, le mouvement sportif ne peut rester éloigné de cette action de défense des moyens des associations et de leur droit d'être visibles. Ces revendications sont les nôtres. Quand nous clamons notre utilité pour l'éducation, la santé ou la cohésion sociale, nous faisons écho à tout le reste du mouvement associatif dont nous devons nous montrer solidaires. »
Allez, on se serre les coudes.
Merci de nous lire et de nous écouter,
Clothilde et Sylvain
"Là, on entre dans le champ de tirs, ça veut dire qu'il faut pas traîner" Victor Galuchot
La montagne impose son tribut. Chaque année, en France, des centaines de vies s’y arrêtent brutalement : avalanches, chutes, froid, crevasses. Ici, la mort n’est pas une abstraction. Elle est une compagne familière, tapie dans chaque couloir, chaque crête, chaque corde tendue. Comment les habitants de ces vallées, guides, secouristes, pratiquants, apprennent-ils à vivre avec la mort toute proche ? Comment ce voisinage influence-t-il les deuils, les relations, la culture ? Et si un rapport différent à la mort changeait aussi notre rapport à la vie ? Mais surtout, comment faire reculer une accidentalité qui continue de frapper, saison après saison ?
Dans ce tout nouvel épisode de Vent Debout, À la vie, à la mort, suivez-nous à la rencontre du freerider Victor Galuchot et de la doctorante en sociologie Juliette Craplet.
Un épisode produit grâce au soutien de la fondation Petzl.
5 Questions à…, ou la rencontre d’un·e sportif·ve en carrière ou retraité·e, qui comme nous, pense qu’un autre sport est possible.
Snowboardeur professionnel et réalisateur, Thomas Delfino bouscule les codes du film d’aventure avec sa série Traverses. Les deux premiers volets, Les Gardiens de la montagne et En terre berbère, invitent à repenser notre rapport à la performance et à l’environnement. Une démarche qui a particulièrement fait écho à notre épisode de Podcast À la vie, à la mort.
Crédit : Matthew Tufts
Pour moi une pratique écolo et stylée a beaucoup plus de sens qu’une pratique qui serait simplement stylée, car elle montre qu’il est possible de faire autrement. C'est une pratique qui respecte certaines valeurs environnementales et sociales, et où la performance n'est pas mise en avant, mais sous-jacente à un propos plus large. Et quand on la regarde, on se dit : « Waouh, j’ai envie de faire pareil ! »
En vrai, c’est un peu ce que j’essaie de proposer dans mes films (rires). Parfois ça fonctionne, et parfois moins. Mais je ne suis plus intéressé par les aventures à la Red Bull. Je trouve ça dépassé. Je ne les regarde même plus.
Parce que le sport est organisé et encadré autour d’un système (clubs, fédérations, compétitions, etc), qui politise le sport et l’oriente vers des logiques économiques. Et à partir du moment où il y a du business, il y a une orientation politique.
Je ne fais pas de compétition et les JO m'importent peu, donc j’ai la liberté de prendre une direction politique différente et de la revendiquer à travers ma pratique du splitboard (snowboard de randonnée). Mais je sais que c’est un luxe, car dès lors qu'on dépend des circuits, mieux vaut savoir se taire.
C’est un projet de six films que j’aimerais réaliser sur trois ans. Tous ont pour point commun l'idée suivante : accéder à un massif situé hors des Alpes en mobilité douce, le traverser en hiver ou en multisport avec des amis, et s'intéresser avant tout aux habitants de ces régions. À celles et ceux qui jouent un rôle essentiel sur ces territoires. Dans Les Gardiens de la montagne, tourné en Slovaquie, nous nous intéressons par exemple aux gardiens de refuges, à leurs histoires et à l’évolution des pratiques dans ce massif. Et dans En terre berbère, tourné au Maroc, nous sommes allés à la rencontre d'agriculteurs pour qu’ils nous parlent de leur gestion de l’eau dans cette région extrêmement aride.
Ce deuxième film m’a particulièrement marqué, car quand on se rend au Maroc en dehors de la saison touristique, dans des endroits reculés, on se rend compte à quel point les gens vivent de peu, et pourtant donnent énormément. Là bas, nous étions des touristes qui allions à la rencontre de gens qui quotidiennement peinent à entretenir leurs terres. Et malgré cela, ces derniers ont pris le temps de partager des moments avec nous. Ça remet les choses à leur place. Dans ce film, il est impossible de nier nos privilèges.
Oui, car je crois qu’il n’existe pas qu’une seule manière de représenter la performance. Montrer un effort extrême dans des conditions extrêmes en est une. Mais si je prends l'exemple de notre traversée au Maroc, le niveau de ride est moyen plus, le terrain est moyen, mais la performance est élevée, car on réalise une traversée complètement à vue, avec quasiment aucune information, si bien qu'on se retrouve parfois au sommet de certaines lignes sans savoir si on va pouvoir passer. L'un des propos implicites du film est clairement de montrer qu'on peut réaliser des performances qui ne sont ni de l'ouverture de nouvelles voies, ni de la ride sur des montagnes difficiles.
La performance peut s'exprimer de différentes manières et n'implique pas nécessairement une prise de risque extrême. Et je pense qu’il est d’autant plus important de s’intéresser à ces autres formes de performance qu’elles permettront peut-être de toucher un public plus large, puisqu’elles supposent de faire appel à d’autres types d’émotions.
Que dire, sinon merci ? Merci à vous d’être venu·es, de nous avoir soutenu·es et d’avoir fait vibrer la salle comme si nous étions des milliers ! Grâce à vous, ce futur hors-série s’annonce déjà légendaire.
Un grand merci également à nos intervenant·es, Sylvie Eberena, Rania Daki et Alexandre Jaafari, qui ont eu la difficile tâche de lier le sujet de l’écologie populaire au sport populaire. On n’a pas totalement répondu à la question de départ, mais on a très certainement donné pleins de billes pour envisager différemment le mouvement écologique dans le sport. Sans oublier la Gaîté Lyrique et son accueil inégalé. Nous sommes comblés. Vent Debout a le vent dans le dos. Merci.
La première nous vient de Mediapart, qui révèle dans un enquête que tout semble encore permis pour préparer la nouvelle saison de ski. On y découvre notamment que la Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez a réalisé sans autorisation des travaux invasifs dans les milieux naturels pour installer de nouveaux périphériques… « Oui, il y a eu des coups de pelleteuse sur le glacier », reconnaît un employé du domaine skiable des Deux-Alpes, en Isère. Et en effet, difficile de démentir quand des photos sont à l’appui, grâce au travail de l’IGN, qu’on en profite pour saluer. (Le titre de notre interview « Quand les cartes révèlent les bouleversements écologiques » n’ayant jamais été aussi actuel, malheureusement)…
Il y a plus d’un an, on s’interrogeait déjà sur le prix à payer pour le tout ski. Il semblerait que la facture continue de s'alourdir, puisqu'elle se fait désormais au détriment des écosystèmes post-glaciaires. On comprend mieux pourquoi le glaciologue Jean-Baptiste Bosson nous alertait déjà sur l'urgence de protéger ces espaces nés du retrait des glaciers. Ces propos résonnent d'autant plus fortement aujourd'hui qu'ils semblent se réaliser.
Quand à la seconde dinguerie, que dire… Neuf parachutistes amateurs affilié à la Fédération française de parachutisme (FFP) ont été suspendus pour avoir reconstitué, lors d’une soirée déguisée dans l’Aube le 18 octobre dernier, une cérémonie du Ku Klux Klan.
Bûcher, visage peint en noir, mise à mort factice… les photos et vidéos qui ont largement circulées sur les réseaux sont macabres. On salue toutefois la réaction ferme de la fédération et les propos du président Yves-Marie Guillaud : « On a tellement assimilé, pendant des années, les parachutistes à des fachos. (…) Je travaille sans relâche pour cette fédération, pour faire parler de nos champions dans les médias, contre le sexisme dans le sport, c’est un investissement quotidien, et paf ! neuf sinistres crétins foutent tout en l’air. Je ne sais pas d’où ils viennent et je m’en fiche : je les poursuivrai aussi loin que je peux. On ne met pas sous le tapis, avec moi. » (Médiapart).
On s’étonne nous même de vous relayer un défi sportif, mais comme le dit le proverbe : « Ne jamais dire jamais. » Nous faisons donc une exception pour le Trailwalker d’Oxfam de Dieppe et de Nancy. Car quitte à transpirer, autant que ce soit pour la bonne cause. Le concept : parcourir 100 kilomètres en moins de 30 heures, par équipe de quatre, pour taxer les riches. Non, on plaisante, pour ce dernier point, mais pas tant que ça, car chaque équipe qui s’inscrit s’engage à collecter entre 1 000 et 1 500 euros avant le départ. Les fonds sont ensuite reversés à Oxfam France pour l’aider dans ses actions en faveur de la justice sociale. Par exemple, pour l’écriture de cette importante étude qui s’intitule « Pillage climatique : comment une puissante minorité d’ultra-riches plonge le monde dans le chaos » (à lire évidemment).
Du côté des médias, les copains de Vertige Média sont en pleine levée de fonds. Ils cherchent 500 donateur·rices pour construire et pérenniser leur média qui analyse l'escalade comme un fait social, culturel et politique. Go Go Go pour les soutenir. De même pour la revue Panard, qui vient de faire d’une pierre deux coups en lançant une campagne de financement participatif pour développer son offre numérique et son dernier numéro destiné à La culture ovalie. Des campagnes de dons, d’autant plus importantes que Meta vient de suspendre de ces réseaux sociaux (Facebook, Instagram, etc) toutes les publicités « portant sur un enjeu politique, électoral ou social », et que les appels à dons et les offres d’abonnement des médias indépendants sont désormais bloquées. Quant à nous, nous avons la grande chance d’avoir été sélectionnés pour participer au programme Médianes, (un cursus d’accompagnement pour fondateur·ices de médias émergents, indépendants et engagés). Pendant les neuf prochains mois, on va donc avoir du pain sur la planche, pour nous structurer et continuer de vous proposer toujours plus de contenus à la croisée du sport, de la recherche et des luttes. D’ailleurs, on a déjà une nouvelle date à vous annoncer : le lundi 1er décembre (de 18h30 à 20h30), nous vous donnons rendez-vous à l’Institut français de Munich pour une soirée d'écoute du podcast, suivie d'un échange avec Clothilde. Pour s’inscrire, il suffit d’envoyer un mail à l’adresse suivante : kultur.muenchen@institutfrancais.de
Et enfin, on termine cette newsletter en apportant notre soutien à Amine Messal, l’activiste ayant mené une action de désobéissance civile à l’arrivée de la 11e étape du Tour de France. Son procès aura lieu le 19 novembre à Toulouse à 12h30. Une mobilisation s’organise en soutien à son action. N’hésitez pas à vous y rendre si vous êtes de la région.
C’est tout pour ce mois de novembre
À bientôt et n'hésitez pas à partager cette infolettre à vos ami·es & à nous laisser des commentaires en répondant directement à cet e-mail, on lit tout !